QU’EST-CE QUE LE LIVRE D’ARTISTE ? Quelle définition lui donner ? Le livre illustré est-il un livre d’artiste, et le livre d’artiste est-il forcément « illustré » ? Est-ce un beau livre, un livre de luxe, un livre-objet, un livre cheap, l’affrontement entre un texte et des images, ou entre les images elles-mêmes ? À quoi servent ces livres secrets, cachés dans les réserves précieuses des bibliothèques, les musées et les collections privées, édités parfois pour surtout ne pas être exposés au regard du tout-venant — comme les bouleversants « livres dessinés sur des livres » de Louis Soutter ? À qui s’adressent-ils, s’ils s’adressent à quelqu’un ? Livres d’une envie, d’une rencontre, d’un coup de foudre, livres désinvoltes, livres-manifestes ?
Sans avancer de réponse péremptoire, Le Livre libre poursuit l’interrogation en présentant ici des images extraites de quelques centaines d’ouvrages, de 1883 à 2010, créés sur un territoire délimité ou liés à lui : la Suisse romande, qui, par sa situation géographique, historique, religieuse, économique, a joué un rôle considérable dans cette forme d’édition. Livres d’artistes suisses — parfois expatriés ou rapatriés —, mais aussi d’artistes étrangers — réfugiés ou visiteurs occasionnels. Livres d’éditeurs déraisonnables, d’imprimeurs perfectionnistes, d’ateliers fiévreux, livres d’écrivains, de poètes, de révoltés, de peintres, de sculpteurs, d’architectes, d’illustrateurs, de dessinateurs humoristes…
Ces publications confidentielles — voire invisibles — constituent un témoignage déconcertant, de par leur diversité, leur démesure, leur qualité artisanale ou leur désinvolture. Des artistes majeurs ont contribué à cette aventure encore souvent mal mesurée : Steinlen, Masereel, Matisse, Picasso, Braque, Léger, Cocteau, Arp, Baj, Miró, Tal Coat, Yersin ; et des artistes contemporains, des méconnus, des oubliés, qu’on découvre ou redécouvre ici.