D'Albert-Edgar Yersin, on connaît principalement les gravures; ses dessins, en revanche, sont longtemps restés à l'abri des regards. Lorsque on les découvre enfin, un monde foisonnant s'offre à nos yeux.
Dans les premiers cahiers, chaque page est un espace propice la rêverie, où l'on peut aisément flâner d'une composition à l'autre, toutes étant conçues comme autant de cheminements. Certains dessins se présentent en tant qu' études d'estampes sur cuivre ou sur pierre: univers bouillonnant et chaotique, oscillant entre le macrocosme et le microcosme, dans un langage méticuleux. Plus tard, et définitivement, Yersin se consacrera à l'observation de la nature. Lacs, forêts, montagnes — il cherchera à en percer le mystère d'une délicate caresse à la mine de plomb.
Choisis et réunis pour la première fois dans un ordre chronologique, ces dessins aussi complexes que délicats permettent de mesurer l'aventure de cet artiste singulier, et de s'en émouvoir.
Textes de Sébastien Dizerens et Frédéric Pajak.
Albert-Edgar Yersin naît en 1905 à Montreux, d'un père suisse et d'une mère américaine. Homme sans frontières, il passe son enfance à New York, son adolescence au Chili et son début de vie d'artiste à Paris, avant de rejoindre la Suisse à 28 ans. Graveur de métier, en particulier pour le timbre-poste et les cadrans de montre, il est l'un des rares à maîtriser le burin. Pendant dix ans, il pratique également la sculpture et une peinture expressionniste. Grand défenseur de l'art de l'estampe (il enseignera la taille-douce aux Beaux-Arts de Lausanne de 1960 à 1972), il fonde le groupe Graphies, aux côtés de Gaston Bachelard et d'Albert Flocon, et partage sa vie avec la photographe Henriette Grindat. Après des années de recherches, il réussit, avec le peintre Pietro Sarto, à imprimer ses gravures en couleurs au célèbre Atelier de Saint-Prex. Reconnu par ses pairs, il élabore tant dans la gravure que dans le dessin un style reconnaissable entre tous, où l'infiniment grand s'allie à la complexité d'un monde microscopique en une posie graphique totalement inédite. Il meurt à Lausanne en 1984.